Le 1 nov. 08 à 12:59, Jérome Lazard a écrit :
A ce propos je voudrais, pour l'avoir expérimenté
récemment,
informer mes collègues qui ne le seraient pas, que le concept de
développement durable offre un cadre de réflexion _et d'action_
privilégié pour, d'une part réaliser un diagnostic d'activités déjà
engagées et d'autre part mettre en oeuvre des initiatives de
développement.durable. Il permet de sortir efficacement du
subjectif qui
a jusqu'à présent largement prévalu, notamment en Afrique
subsaharienne.
J'ai du mal à adhérer à cette idée que le concept de développement
durable aide à sortir de la subjectivité. J'en veux pour preuve
l'approche anglo-saxonne du "sustainable development" radicalement
différente de l'approche française tournée vers la production
d'indicateurs de durabilité. J'ai vu les deux démarches mises en
oeuvre sur un même terrain, le nord de la baie de Manille, et même si
j'ai été plus convaincu par la méthode britannique (D. Little), je
suis intimement convaincu que tout dépend de l'usage qu'on en fait,
qui est forcément imprégné de subjectivité.
Pour permettre le développement de l'aquaculture, il faut à mon avis
se focaliser sur les aquaculteurs pour leur donner les outils et
connaissances dont ils ont besoin pour adapter leur activité à la
complexité du milieu dans lequel ils s'intègrent. Que ce soit au
Brésil, en Côte d'Ivoire, en Guinée ou aux Philippines, les gens
cherchent d'ailleurs toujours à adapter le discours technique à leur
propre situation, souvent au grand dam des encadreurs si les
initiatives s'écartent du message officiel. Il faut donc permettre
l'accès à la connaissance et encourager cette réflexion critique car
il n'y a pas qu'une seule façon de produire du poisson. Une méthode
pertinente dans un contexte ne l'est pas forcément dans un autre
environnement. Prétendre le contraire, c'est faire de l'aquaculture,
une religion et j'adhère une fois de plus à 10000% au dernier message
de C. Ducarme sur les tilapias: il faut remettre en cause les dogmes.
C'est cette capacité des aquaculteurs africains à devenir les acteurs
de leur propre développement qui sera à mon avis le moteur qui
permettra de "développer" l'aquaculture africaine, pourvu qu'il soit
alimenté par un carburant qui ne le fasse pas caler. C'est pour cela
que j'apprécie beaucoup l'idée du projet sarnissa qui me semble
répondre à ce besoin, tout en ayant conscience d'un certain nombre de
grosses limites (notamment les limites de l'accès à internet).
A mes yeux, les outils du développement durable seraient donc plus
adaptés à un niveau intermédiaire, de grille d'analyse pour le
pilotage politique régional par exemple. Mais quoi qu'il en soit, il
ne faut jamais négliger la réflexion critique sur la pertinence, le
domaine d'application et les limites de tous ces outils car sinon, on
a trop vite fait d'ériger une méthode au rang d'idéologie, ce qui ne
peut que nous conduire à renouer avec les erreurs du passé.
Laissons les aquaculteurs africains développer l'aquaculture et
contentons nous de leur en donner les moyens.