Bonjour,
Je reviens un peu sur plusieurs postes que j'ai vu passer sur Sarnissa.
Ichtyologue, travaillant sur les poissons africains, j'ai eu
l'occasion d'échantillonner dans un certain nombre de zones
africaines. Il n'empêche que je m'intéresse de très près à la
pisciculture vue le rôle majeur qu'elle a pour la sécurité alimentaire
par l'apport de protéines animales à moindre coût.
Il est exacte que j'ai vu à de nombreuses reprises des espèces qui,
renseignements pris, avaient été introduites.
Par exemple, l'Heterotis niloticus au niveau de la Lualaba, même si on
savait que cette espèce, introduite dans le Bas Congo, était bien
implantée. Elle n'est arrivée qu'assez récemment dans la Lualaba. De
même, pour l'Oreochromis niloticus, introduit dans beaucoup de zones
où il était absent comme le Libéria, sans que les spécimens capturés
ou vus en étang soit de taille vraiment à justifier leur introduction.
Sans parler du fait, qu'il est souvent très difficile d'avoir
l'origine exacte de la population introduite. Surprenant également, de
vouloir à tout prix utiliser cette même espèce mais d'origine
différente, dans des zones où cette espèce est native. Je pense à la
zone d'Afrique des Grands Lacs, où on a introduit de l'O. n. niloticus
alors que la sous-espèce O. n. edouardianus est présente naturellement
et dont j'ai capturé des spécimens de plus de 35 cm de LS dans la
Ruzizi ou dans le lac Albert.
Pourquoi ces introductions alors que des écrits montrent que la
croissance de beaucoup d'espèces de Tilapia dépend beaucoup des
facteurs environnementaux?
Dans pas mal d'endroits, la taille de capture et des poissons
consommés par les populations n'est pas très élevée (10 cm LS). Par
contre, il est demandé un apport constant. Ceci d'autant plus dans des
zones où la densité de populations augmente de façon importante, soit
par la natalité importante, soit par le déplacement des populations
pour différentes causes comme les troubles militaires. Ce qui amènent,
par voie de conséquence, des pratiques de pêches non adaptées et
destructrices sans parler des dégats sur les bassins versants
(déforestation, érosion etc…)
Pourquoi donc insisté sur des espèces introduites, alors que, dans les
premières semaines, en fonction de l'environnement, les croissances
sont assez similaires chez les Tilapias? et qu'il existe une centaine
d'espèces/sous-espèce de Tilapia présentent partout en Afrique.
pourquoi ce qui vient d'ailleurs est mieux que ce qu'on a chez soi?
Le danger est que l'arrivée sur une nouvelle aire d'espèces aussi
adaptatives que l'O. niloticus peut transformer totalement les
systèmes écologiques et donc, faire peser une pression supplémentaire
sur une ichtyofaune souvent déjà malmenée par d'autres facteurs. Et il
faut plusieurs années avant qu'un équilibre se créé à nouveau.
Est-ce que la perte subit par les pêcheurs peut-elle être compensée
par l'apport de la pisciculture, cause en partie de cette perte? Est-
ce que la pisciculture est faite pour remplacer la pêche ou pour la
complémenter? La biodiversité aquatique est-elle si peu importante
pour qu'elle ne soit pas prise en ligne de compte? Sans parler des
aspects socio-culturels attachés aux poissons. Ne peut-on arriver à un
concensus?
Bref, de nombreuses questions.
Yves Fermon
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PhD
Hydrobiologiste/Ichtyologue
18 rue Jean Richepin,
91120 Palaiseau, France
E-Mail: fermon(a)mnhn.fr ou tropi91(a)mac.com
tél. +33 164472649 ou +33 625958912
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Le 11 nov. 08 à 12:43, Lionel Dabbadie a écrit :
Chers tous,
J'aimerais attirer votre attention sur un article récent où j'ai
montré à quelle vitesse O. niloticus peut envahir une zone de pêche
de 120 km2:
Weyl OLF (2008) Invasion rapide d'un lac subtropical dans le centre du
Mozambique par le tilapia du Nil, Oreochromis niloticus (Pisces:
Cichlidae).
Aquatic Conservation Marine and Freshwater Ecosystems. 18: 839-851.
DOI:10.1002/aqc.897
Résumé:
1. Le lac Chicamba, Mozambique (19o08'S; 33o08'E) est une grande (116
km2) retenue aux sources de la rivière Buzi, qui a été envahi par
Oreochromis niloticus en 1996 depuis un petit (< 0.3 km2) réservoir
en amont.
2. Les données expérimentales et les captures artisanales n'ont
permis de déceler aucun O. niloticus jusqu'en Janvier 1996, après
quoi O. niloticus a représenté jusqu'à 83 % des pêches à la senne
expérimentales; 33% des captures expérimentales au filet maillant,
43% des captures à l'hameçon depuis un bateau, 23% des captures à
l'hameçon depuis la côte et 48% des captures artisanales au filet
maillant.
3. Entre Janvier et Mars 1997, le rendement moyen [Maxi, Mini pour un
intervalle de confiance 95%] de O. niloticus dans les captures des
pêcheries artisanales a été de 5.2 [3.6, 7.0] tonnes/mois.
4. L'invasion rapide de ce lac illustre la menace significative que
des petites sources de contamination par cette espèce fait courir aux
écosystèmes d'eau douce d'Afrique du Sud.
5. L'étude recommande: (1) Que cette espèce ne soit pas utilisée pour
l'aquaculture ou la pêche dans des bassins qui n'ont pas encore été
envahis et (2) Que l'éradication des sources potentielles de
contamination dans les bassins non-encore envahis soit considérée.
Mots clés:
Rivière Buzi, Mozambique, eau douce, exotique, invasion, Oreochromis
niloticus
Des tirés à part sont disponibles sur demande à moi même ou à
l'éditeur:
<http://www3.interscience.wiley.com/journal/116320988/abstract>.
Bien cordialement
Olaf
Début du message réexpédié :
De : "Olaf Weyl"
<o.weyl(a)ru.ac.za>
Date : 11 novembre 2008 12:18:13 HNEC
À : <Sarnissa-african-aquaculture(a)lists.stir.ac.uk>
Objet : Rép : [Sarnissa-african-aquaculture] Introduction of
niloticus
Dear All,
I would like to call attention to a recent paper were I showed just
how fast
O. niloticus can invade a 120 km2 fishery:
Weyl OLF (2008) Rapid invasion of a subtropical lake fishery in
central
Mozambique by Nile tilapia, Oreochromis niloticus (Pisces:
Cichlidae).
Aquatic Conservation Marine and Freshwater Ecosystems. 18: 839-851.
DOI:10.1002/aqc.897
Abstract
1. Lake Chicamba, Mozambique (19o08'S; 33o08'E) is a large (116 km2)
impoundment in the headwaters of the Buzi River system that was
invaded by
Oreochromis niloticus in 1996 from a small (< 0.3 km2) upstream
reservoir.
2. Experimental and artisanal catch data showed no O. niloticus until
January 1996 whereafter O. niloticus was recorded in up to 83 % of
experimental seine net catches; 33 % of experimental gill net
catches; 43 %
of boat angling and 23 % of shore angling catches and in 48 % of
artisanal
gill net catches.
3. During the period January to March 1997, O. niloticus mean
[upper, lower
95% Confidence Interval] yields in the artisanal fishery were 5.2
[3.6, 7.0]
t/month.
4. The rapid invasion of this lake illustrates the significant
invasion
threat that small point-sources of this species pose to southern
African
freshwater systems.
5. The study recommends: (1) that this species should not be used for
aquaculture or fisheries enhancement in catchments that have not been
invaded, and (2) that the eradication of potential point sources of
O.
niloticus in non-invaded catchment systems should be considered.
Keywords
Buzi River, Mozambique, freshwater, alien, invasion, Oreochromis
niloticus
Reprints are available from me on direct request from me or from the
publisher:
http://www3.interscience.wiley.com/journal/116320988/
abstract.
Kind regards
Olaf
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Dr Olaf Weyl
Senior lecturer
Department of Ichthyology and Fisheries Science
Rhodes University, PO Box 94, Grahamstown 6140 SOUTH AFRICA
Tel: (+27) (0)46 6038415/6; Mobile (+27) 83 46154 34
Fax: (+27) (0)46 6224827
Email: o.weyl(a)ru.ac.za
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Sarnissa-french-aquaculture mailing list
Sarnissa-french-aquaculture(a)lists.stir.ac.uk
http://lists.stir.ac.uk/cgi-bin/mailman/listinfo/sarnissa-french-aquaculture