Hello Ben,
Le degré de dangerosité du poisson d'élevage pour ses congénères
sauvages ou pour les autres espèces de poissons, résultant d'une
capacité de compétition supérieure est proportionnel à la différence
génétique ou distance entre les populations sauvages et domestiquées,
et en particulier de la présence ou l'absence de nouveaux gènes
résultant de mutation dans une population et pas dans l'autre. Ces
différences peuvent soit être positives, comme par exemple dans le
cas d'une lignée comme le GIFT gérée correctement où les "bons" gènes
(du point de vue du pisciculteur) ont été concentrés alors que les
"mauvais" gènes ont été progressivement éliminés, soit ces
différences peuvent être négatives, comme par exemple avec les
nombreuses populations d'élevage consanguines que l'on trouve partout
en Afrique. Ici, au Cameroun, nous avons par exemple augmenté nos
performances d'élevage de 40% en utilisant des géniteurs capturés
dans la nature. Le projet GIFT a trouvé la même chose; que les
espèces sauvages qu'ils ont choisi avaient de meilleures performances
que n'importe laquelle des espèces d'élevage auxquelles elles ont été
comparées.
Donc, que vous utilisiez du GIFT ou développiez votre propre souche
de O. niloticus amélioré à partir de populations locales, vous vous
retrouvez avec plus ou moins la même différence génétique et le même
risque, avec un problème commun: pour dépasser le problème de perte
de diversité génétique des stocks d'élevage, le GIFT a été
sélectionné à partir d'un mélange de population de O. niloticus en
provenance de différentes régions, chacune contenant une partie du
patrimoine originel d'O. niloticus plus toutes les mutations rares
qui ont été préservées sous l'effet de la sélection naturelle. Cela
signifie qu'il peut y avoir un gène muté ou deux dans le GIFT qu'on
ne retrouve dans les populations locales, ce qui pose problème. Comme
je l'ai déjà indiqué, si ces gènes sont "mauvais" en termes
d'adaption au milieu sauvage, ils ne seront pas conservés. S'ils sont
"bons", alors, ils peuvent transmettre un avantage au niloticus dans
le milieu naturel et contribuer à déplacer certaines espèces de
l'écosystème.
Ainsi que je l'ai aussi déjà mentionné, la nature exacte et
l'amplitude de la menace que font courir les espèces d'élevage à
l'intégrité génétique indigène est relativement vague et difficile à
quantifier. Nous ne savons pas exactement de quels gènes (et même, de
quels caractères) nous devrions nous soucier. Ce que nous savons,
c'est que la vulnérabilité génétique d'une population sauvage est
proportionnelle à sa diversité génétique existante, que ce soit en
taille de population ou en variabilité génétique entre individus. Les
populations de saumon atlantique vulnérables à la dilution de leur
patrimoine par les espèces d'élevage ont une base génétique très
étroite qui résulte de nombreuses années de pressions de sélection
naturelle exercées par un régime hydrologique spécifique d'une
rivière particulière. Certains groupes soit disant "détruits" par
l'aquaculture ne comptaient plus que quelques dizaines d'individus
après des années de changement environnemental résultant de la
déforestation, de projets immobiliers, sur-pêche, pollution etc. etc.
auxquels ils n'étaient pas en mesure de s'adapter parce qu'il ont
progressivement perdu leur flexibilité génétique au cours du temps.
Ça n'est pas le cas des populations sauvages de tilapia, qui sont
importantes (étant situés à des niveaux trophiques relativement bas,
ils sont forcés de faire de nombreux enfants), et pas spécialement
adaptés à des systèmes spécifiques, puisqu'ils peuvent être
compétitifs aussi bien en lacs qu'en rivières, étangs, marais,
fossés, eau polluée...
Il y a de nombreux détails que je laisse de côté, mais en moyenne, il
me semble que les principales différences entre l'emploi du GIFT ou
le développement d'une souche locale sont au nombre de deux: 1) En
débutant avec du GIFT, vous gagnez plusieurs années avant de pouvoir
obtenir votre propre souche qui présente des caractéristiques
équivalentes et 2) vous bénéficiez d'une base génétique plus large
sur laquelle travailler et ainsi, pouvez espérer l'élever plus
longtemps et bénéficier d'un gain total supérieur. Dans un contexte
de mondialisation où les chinois ou les thaïlandais (qui continuent à
améliorer le GIFT et d'autres souches améliorées) exportent des
filets congelés de GIFT vers l'Afrique, débuter aujourd'hui avec un
poisson sauvage va enfermer nos fermiers locaux dans toutes les
brèches de production qui existent actuellement... probablement de
l'ordre de 60%, bien que cela reste à prouver.
Bien que je comprenne et supporte de bon coeur le principe de
précaution pour ce qui concerne la préservation des poissons, je
pense qu'il nous faut être raisonnable et rationnels dans ce débat
particulier. Nous avons besoin d'une aquaculture productive et
rentable pour garantir la croissance économique et la sécurité
alimentaire. Avec des coûts pour aliments croissants, l'importance
d'avoir un poisson qui grossisse vite et convertisse l'aliment de
manière efficace est crucial. Le danger particulier que pose le GIFT
aux populations d'O. niloticus sauvages assez vague et à mon avis,
bien moindre que dans le cas d'autres espèces d'autres
environnements. Mon opinion professionnelle est que si nous faisons
des tests comparatifs entre le GIFT et des souches locales et que si
le GIFT s'avère, par exemple, 40% meilleur, nous devrions l'inclure
dans des programmes de reproduction locaux et ensuite travailler avec
les fermiers pour être sûr que nous tirions un bénéfice maximum du
risque pris, quel qu'il soit.
Amitiés
Randy
Début du message réexpédié :
De : "Brummett, Randall \(WorldFish\)"
<r.brummett(a)CGIAR.ORG>
Date : 10 novembre 2008 16:11:21 HNEC
À : "Ben van der Waal" <zamchobe(a)iway.na>na>, <sarnissa-african-
aquaculture(a)lists.stir.ac.uk>
Cc : "Ponzoni, Raul \(WorldFish\)" <r.ponzoni(a)CGIAR.ORG>
Objet : Rép : [Sarnissa-african-aquaculture] niloticus threatens
tilapia in Africa
Hi Ben,
The degree to which escaped cultured fish represent a threat to
either wild conspecifics or other fish as a result of changing
relative competitiveness is proportional to the genetic difference
or distance between the cultured and the wild populations,
particularly the presence or absence of new genes created by
mutation events in one population but not the other. These
differences can be either positive as in the case of a properly
managed selected line such as the GIFT where the “good” genes (from
the point of view of the fish farmer) have been bunched up while
“bad” genes have been progressively eliminated, or negative as is
the case with many of the in-bred (or otherwise screwed-up) farmed
populations that you find around Africa. Here in Cameroon, for
example, we increased our on-farm performance by 40% by going back
to wild-caught broodfish. The GIFT project found the same thing;
that the wild fish they brought in performed better than any of the
farmed stocks with which they were compared.
So, basically whether you use the GIFT or breed your own line of
improved O. niloticus from the local population, you end up with
more or less the same genetic difference and the same risk, with
one caveat: to overcome the problem of loss of genetic diversity in
cultured stocks, the GIFT was selected from a mixture of O.
niloticus stocks from a number of places, all of which contained
sub-sets of the original O. niloticus stock plus whatever rare
mutations may have been maintained through the course of natural
selection. This means there may be a mutated gene or two in the
GIFT that is not found in whichever local population might be of
concern. As I mentioned before, if these genes are “bad” in terms
of fitness in the wild, they probably will not proliferate. If they
are “good” then they might confer competitive advantage on O.
niloticus in the wild and serve to displace other species in the
ecosystem.
Also as I mentioned before, the exact nature and magnitude of the
threat from farmed strains to indigenous genetic integrity is
rather vague and hard to quantify. We do not know exactly which
genes (or even traits) might be the ones we need to worry about.
What we do know is that the genetic vulnerability of wild a
population is proportional to its existing genetic diversity in
terms of both population size and the genetic variability among
individuals. The Atlantic salmon populations that seemed vulnerable
to genetic swamping by fish escaping from aquaculture had a very
narrow genetic base resulting from many years of natural selective
pressure exerted by a specific hydrological regime in a particular
river. Some of the runs that were allegedly “destroyed” by
aquaculture, had only dozens of fish left in them after years of
environmental changes from deforestation, real estate development,
over-fishing, pollution, etc. etc. to which they could not adapt
because they had lost their genetic flexibility over time. This is
not the case with wild tilapia populations, which are huge (being
low on the food chain they have to make a lot of babies) and not
particularly adapted to specific systems, being competitive in
lakes, streams, ponds, swamps, ditches, polluted water…
There are lots of little details that I am skipping over here, but
on balance it seems to me that the main differences between using
the GIFT now or breeding a local line are two: 1) by starting with
the GIFT, you save some number of years before you can breed your
own stock up to its level and, 2) you have a broader genetic basis
from which to work and so can expect to breed for longer with
larger total gain. In a global marketplace where the Chinese and
Thais (who are continuing to improve the GIFT and other selected
lines) are exporting frozen GIFT fillets to Africa, starting with a
wild fish now will lock our local farmers into whatever production
gap currently exists… probably something like 60%, although this
remains to be proven.
While I understand and whole-heartedly support the precautionary
principle in regard to fish conservation, I think we need to be
reasonable and rational in this particular debate. We need
productive and profitable aquaculture for both economic growth and
food security. With rising feed costs, the importance of a fish
that grows fast and converts feed efficiently is crucial to
success. The particular danger posed by GIFT to wild O. niloticus
populations is rather vague and to my mind much less than might be
the case for other species in different contexts. My professional
opinion is that we do some comparative trials between the GIFT and
local strains and if the GIFT is, for example, more than 40%
better, we should import it into local breeding programs and then
work with the farmers to make sure that we get the maximum amount
of benefit from whatever the ultimate risk might be.
Cheers,
Randy