L'aquaculture, une solution mais pas un miracle face à la surpêche
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MARSEILLE - Face à la croissance de la population mondiale et à
l'appauvrissement des océans, l'aquaculture est une solution pour
répondre aux besoins en poisson mais pas un miracle, ont estimé des
experts réunis à Marseille.
"L'aquaculture, c'est comme l'agriculture: on peut produire de
manière intensive, en utilisant beaucoup de produits chimiques, en
concentrant le plus de vaches ou de poissons dans un espace restreint
ou au contraire faire le choix d'une production moins intensive et
plus respectueuse de l'environnement", remarque Carl Lundin,
directeur du département Mer de l'Union internationale pour la
conservation de la nature (UICN), organisation rassemblant 10.000
scientifiques bénévoles.
"Les humains ont besoin des protéines des poissons. Si la population
continue de croître, l'aquaculture peut répondre à une partie de ces
besoins", a-t-il ajouté, lors du forum international sur les océans
Biomarine qui se tient jusqu'à vendredi à Marseille.
Car la mer "donne déjà plus que ce qu'elle peut donner et on ne peut
pas attendre raisonnablement qu'elle donne davantage", ont souligné
des scientifiques réunis pour une table ronde sur l'aquaculture.
Selon la FAO, organisation de l'Onu pour l'alimentation et
l'agriculture, plus de 75% des stocks mondiaux de poissons sont déjà
"pleinement exploités ou surexploités" et les captures par les
pêcheurs, environ 85 millions de tonnes par an, ne pourront pas
augmenter...sauf à détruire les écosystèmes.
Or, les besoins mondiaux en poissons et crustacés tournent
aujourd'hui autour de 110 millions de tonnes.
L'élevage de carpes, daurades ou saumons répond déjà en partie aux
demandes des consommateurs.
"L'Union européenne est le premier importateur de produits
aquacoles", rappelle Philippe Gros, chercheur à l'Institut français
pour la recherche et l'exploitation de la mer (Ifremer).
Côté production: l'Asie devance de loin les autres continents et la
Chine se taille la part du lion avec 69,5% du volume aquacole
mondial, selon la FAO.
"Aux Philippines, l'aquaculture du mérou a permis de limiter la pêche
à l'explosif très destructrice pour le milieu marin", ajoute M. Gros.
Mais, majoritairement pratiquée dans des pays en voie de
développement, avec des règles environnementales floues,
l'aquaculture a aussi conduit à des désastres écologiques.
"Dans certaines zones, l'utilisation des antibiotiques a ravagé des
bassins marins entiers", relate M. Gros.
Au Chili, les écologistes accusent les éleveurs de saumons
d'aquaculture d'abuser de produits chimiques et de polluer les eaux
avec de trop fortes concentrations de poissons. Récemment, un virus a
décimé des milliers de saumons d'élevage.
"Il faut des règles strictes sur les zones où implanter des élevages
aquacoles, sur la densité de poissons et sur l'emploi de substances
chimiques", prône M. Lundin.
D'autant que la pisciculture de poissons carnivores (saumon,
daurades...) utilise des poissons comme fourrage créant une pression
sur d'autres espèces. Il faut neuf kilos de sardines, maquereaux et
crevettes pour faire grossir d'un kilo un thon rouge.
Les carpes, elles, sont végétariennes, ce qui cause moins de problèmes.
Mais le développement de l'aquaculture ne remplacera pas la pêche et
ne constitue pas une solution miracle exonérant les consommateurs de
toute réflexion.
"Certains poissons menacés ne peuvent pas continuer à être consommés.
Nous devons simplement arrêter d'en manger", estime M. Lundin.
(©AFP / 24 octobre 2008 11h28)