Bonjour,
Le 5 nov. 08 à 15:21, sidiki keita a écrit :
Ex: sites prospecté par L Dabbadie à Macenta et
Guéckédou
Comme Sidiki Keita fait gentiment référence au travail que j'ai
accompli avec lui comme volontaire de l'ONG Vétérinaires Sans
Frontières en Guinée (avec appui de l'APDRA), pour le compte du Haut
Commissariat aux Réfugiés de l'ONU, je me permets de signaler que des
photos sont disponibles sur :
<http://aquatrop.cirad.fr/phototheque/afrique/guinee_1997>
Il y a même des photos de Sidiki en pleine action !
Il convient toutefois de préciser le contexte très particulier de
cette intervention. Suite aux guerres du Liberia et de Sierra Leone,
des centaines de milliers de personnes étaient venues se réfugier en
Guinée forestière, autour des villes de Macenta et Gueckedou. A mon
époque, la région accueillait autant de réfugiés que de guinéens (de
mémoire, 300000 réfugiés + 300000 guinéens). L'ONU est donc
intervenue "en urgence" au travers du HCR et du PAM pour éviter que
cet afflux de population n'évolue vers une catastrophe humanitaire,
avec succès puisqu'au bout d'un certain nombre d'années, les réfugiés
bénéficiaient, dans leurs camps, "de conditions d'existence aussi
bonnes, voire meilleures que les populations locales" (je mets ceci
entre guillemets, car je m'exprime uniquement sur des aspects
alimentation, accès aux soins etc... il est évident que ma phrase
peut apparaître choquante, étant donné que ces gens ont été victimes
et témoins d'actes de violence indicibles: viols, massacre de proches
etc.).
Donc, pour éviter des tensions locales, mais aussi pour "occuper" des
gens qui sont dans une détresse psychologique immense (problèmes
d'alcoolisme etc.), le HCR finançait des actions dites "de post-
urgence" dont le but était à la fois d'occuper les gens, d'éviter de
les enfermer dans une attitude de pure dépendance à l'assistance
humanitaire (qui aurait pu les inciter à ne pas rentrer dans leur
pays une fois la paix revenue), de servir d'unité de démonstration et
de centre de formation, et de favoriser des relations harmonieuses
entre réfugiés et populations locales.
Il va sans dire que d'un point de vue stratégie et condition
d'intervention, nous nous positionnions donc à des années-lumière
d'un projet de développement. Si nous n'avions pas à nous soucier
d'une quelconque pérennité de nos fermes, nous avions par contre des
contraintes immédiates lourdes comme faire intervenir des dizaines de
personnes (parfois plus de cent sur un même site) pour construire et
gérer une même unité de démonstration (avec quotas réfugiés/
population locale), intervenir sur des sites imposés pas franchement
adaptés à l'aquaculture (je me rappelle de la construction d'un canal
de contournement vers Gueckedou que nous avions surnommé "le canal de
Suez" par dérision), mais en même temps, essayer d'avoir une approche
suffisamment pédagogique (y compris par une démonstration par
l'absurde de ce qu'il ne faut pas faire), pour qu'une fois de retour
dans leur pays, les gens soient capables de mettre en oeuvre de
manière critique le "message", plutôt que de simplement appliquer des
directives techniques de manière passive, qui n'auraient pas
nécessairement adaptées à leur contexte (nous n'avions aucune
garantie qu'ils puissent bénéficier d'une quelconque assistance
technique une fois de retour dans leur pays en reconstruction).
A tout points de vue, j'ai été profondément marqué par cette
expérience humaine, mais sur le plan professionnel, je crois que
c'est là que j'ai compris qu'il ne fallait pas chercher à montrer un
exemple ou à imposer un message technique, mais au contraire, essayer
de faire en sorte que les gens auxquels on s'adresse soient capables
d'acquérir suffisamment de recul et d'autonomie pour de pas avoir
besoin de vous dans la conduite de leurs actions. Ainsi, nous devons
nous positionner beaucoup plus en amont, en réfléchissant à ce qu'il
convient de faire pour garantir aux agriculteurs cette autonomie. Je
sais bien que ça n'est pas toujours aussi simple en pratique et qu'il
faut souvent faire des compromis éloignés de la théorie (et je
pensais d'ailleurs que mes précédentes interventions généreraient des
discussions sur ce thème), mais ça reste à mes yeux un guide
intellectuel incontournable.
Je serais curieux de savoir ce que sont devenus ces sites, même si je
ne me fais guère d'illusion. Par contre, j'espère vraiment que
certains réfugiés ont pu ramener chez eux une partie du message que
nous avons essayé de leur transmettre.
Bien amicalement
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