Les fermes des thons rouges (SELFDOTT)
Des scientifiques de l’UE ont réussi à obtenir des dépôts d’oeufs viables de thon rouge
atlantique en captivité, par des moyens naturels, sans aucune induction hormonale. Si
l’élevage de cette espèce menacée pouvait être développé à une échelle commerciale, la
pression exercée sur les stocks sauvages serait nettement réduite. Ce résultat est le
fruit de la troisième année de réalisation de SELFDOTT, un projet de recherche financé par
l’Union européenne à hauteur de 2,98 millions d’euros et coordonné par l’Institut espagnol
d’océanographie (IEO). Les résultats du projet ont fait l’objet d’un film diffusé en août
dans le cadre de Futuris, l’émission scientifique de la chaîne de télévision Euronews:
http://fr.euronews.net/2010/07/23/les-fermes-des-thons-rouges/
Le thon rouge est en train de disparaître et on ne cesse chercheurs travaillent sur la
façon de l‘élever en captivité pour réduire la pression halieutique et permettre au stock
de thon de se reconstituer.
Le thon rouge est une espèce menacée. Son prix qui peut atteindre 30 000 euros pour un
poisson de 200 kilos entraîne la sur-pêche.
Carthagène, au sud de l’Espagne. Là les scientifiques cherchent à élever le thon en
captivité. C’est la raison pour laquelle chaque nuit de juillet ils prennent un bateau
pour aller pêcher des oeufs de thons dans deux cages où se trouvent une soixantaine de
poissons.
Fernando de la Gándara, Coordinateur :
“Ce projet essaye de faire en sorte qu‘à l’avenir nous produisions des thons rouge de la
même façon que l’on produit aujourd’hui des dorades royales, des bars, des turbots ou des
saumons avec les techniques aquacoles. Mais cela ne signifie pas la fin de la pêche au
thon rouge, l’aquaculture sera un complément de la pêche”.
Malte, dans la ville de Marsaxlokk, le jour commence très tôt pour Robert. Il travaille
aussi pour le projet de recherche de l’Union européenne qui s’intitule Selfdott. Chaque
matin du mois de juillet il fait le tour des cages de thons pour ramasser des œufs, mais
il est moins chanceux que ses collègues. L’an dernier il n’a rien ramassé ce qui l’a amené
à faire quelques changements.
Robert Vassallo-Agius, biologiste :
“Cette année nous avons amené les cages dans une petite baie ou nous espérons qu’il y a
moins de courants, nous avons eu peu d‘œufs comparé à l’Espagne la température n’est pas
montée suffisamment rapidement. Cette année a été une année assez froide pour la
température de l’eau et pendant ce que nous pensons être la meilleure période pour les
œufs de thon en captivité, il a fait froid”.
Les thons rouges utilisent la lumière et la température pour savoir si c’est le bon moment
pour se reproduire. Ils sont aussi très sensible à la qualité de l’eau, mais les
difficultés ne s’arrêtent pas là.
Robert Vassallo-Agius :
“Le thon rouge présente un autre problème c’est un poisson très gros et très délicat. A
cause de sa taille on ne peut pas le manipuler, on ne peut pas le contrôler, on ne peut
pas vérifier le stade de maturité comme on peut le faire avec la dorade royale par
exemple. Tout ceci pose un autre problème logistique : comment ramasser les œufs”.
Il est très difficile d’obtenir des œufs en captivité, même en petite quantité, parce que
le thon rouge nécessite beaucoup d’attention tout au long de l’année. C’est la raison pour
laquelle ce programme reçoit le soutien de sociétés privées investies dans le thon rouge
avant même le début de ce projet.
Antonio Belmonte, Biologiste à Caladeros del Mediterráneo :
“Nous assurons aux chercheurs que les poissons sont en parfaite condition. Nous assurons
aussi que nous manipulons le poisson avec beaucoup de soin pour éviter tout problème qui
pourrait interrompre le développement gonadal pendant la période de ponte des œufs”.
Certains de ces œufs restent en Espagne d’autres vont en France, en Grèce, en Israël. Les
chercheurs ont besoin de ces œufs pour apprendre comment élever des poissons. Ce sera la
prochaine étape de ce projet dans lequel l’Allemagne, l’Italie et la Norvège prennent
part.
Fernando de la Gándara :
“Nous avons des couveuses dans nos bâtiments à Malte, moins cependant qu’ici à Carthagène,
mais nous pouvons dire que la reproduction du thon rouge en captivité a été obtenue. Et
maintenant que nous avons démontré que c’est possible, la difficultés c’est d‘élever la
larve du thon rouge et c’est là que nous allons devoir faire porter un effort
particulier”.
Le défi c’est la survie de la larve. L’an dernier les scientifiques ont réussi à en garder
certaines en vie pendant plus de 70 jours. Ils espèrent que certaines vont atteindre le
poids d’un kilo. Quelque chose de très difficile à réaliser avec ce poisson. Notamment en
raison de problèmes liés au stress et au cannibalisme. Seule parade, une nourriture
appropriée.
Aurelio Ortega, biologiste à l’Institut espagnol d’océanographie :
“La croissance du thon rouge est très rapide, ses besoins nutritifs sont très élevés. Cela
nécessite beaucoup d‘énergie, beaucoup plus que les autres espèces que nous élevons. Nous
devrions donc leur donner de la nourriture très riche. Mais c’est aussi un poisson qui
pond des oeufs en mer il faut donc une eau de très bonne qualité avec une forte
concentration d’oxygène”.
Mais l’expérience que ces chercheurs ont obtenue avec d’autres poissons leur garanti le
succès avec le thon rouge. Une des ces espèces est la bonite à dos rayé.
Fernando de la Gándara :
“La bonite à dos rayé qui appartient à la même famille que le thon est un poisson plus
petit et il est plus facile à manipuler. Avec cette espèce on a eu une bonne réussite.
Pour la première fois au monde on a réalisé le cycle complet de la bonite en captivité. Ce
qui veut dire que l’on a obtenu des poissons en captivité de parents aussi nés en
captivité”.
C’est un succès que l‘équipe de Robert a aussi obtenu à Malte avec les sérioles, un
poisson dont la chair est appréciée. Ces précédentes expériences ouvrent la voie à
l‘élevage du thon rouge.
Robert Vassallo-Agius :
“La prochaine étape désormais c’est d’améliorer le taux de survie des larves. Mais en
parallèle nous devons aussi construire des lieux de production à terre où nous pourrons
élever ces poissons et les faire pondre dans de meilleures conditions que dans les
cages”.
Ces usines de thon rouge ressembleront à ce que l’on peut voir à Malte pour l‘élevage de
la sériole. On peut y contrôler la luminosité et la température de l’eau pour obtenir un
poisson dans les meilleurs conditions de reproduction. Une condition cruciale pour
l’aquaculture du thon rouge.
Fernando de la Gándara :
“Nous connaissons les origines du poisson d’aquaculture. Nous savons ce que nous mangeons,
c’est la traçabilité. Nous savons tout d’un poisson d‘élevage. Un poisson d‘élevage qui
présente une qualité standard et de cette façon le consommateur sait parfaitement ce qu’il
achète”.
Pour les chercheurs le poisson d’aquaculture est une question de goût. Ils ont précisé que
plusieurs tests à l’aveugle ont donné des résultats surprenants… La moitié des gens
préféraient le poisson d‘élevage et l’autre moitié des poissons sauvages. Une bonne
nouvelle puisque la seule façon de fournir au marché tout le thon rouge dont il a besoin
passe par l’aquaculture, à l’instar du saumon ou des fruits de mer.
Robert Vassallo-Agius :
“Avec tous les efforts qui sont réalisés maintenant avec le thon rouge, avec la
contribution de tous, et on est en train de réaliser de très bonnes expériences en ce
moment avec la production d‘œufs en Espagne, je pense que l’on va progresser et que l’on
aura peut être une production de thon d‘élevage dans un futur si ce n’est proche, en tout
cas pas très éloigné”.
Un avenir meilleur donc qui devrait faire baisser la pression sur les stocks de thon rouge
une espèce particulièrement menacée.